dna a écrit :Laurey l’obstiné
Thierry Laurey va peut-être diriger son match le plus important depuis qu’il a pris place sur le banc strasbourgeois, ce vendredi (21h) contre le Stade rennais. Personne ne le voit survivre à une nouvelle défaite. Le technicien, lui, fait comme si de rien n’était et ne renonce pas.
On l’avait quitté tout fâché, les nerfs en pelote et le regard mauvais, dimanche après-midi à Montpellier. Le Racing venait de concéder son neuvième revers en onze matches, le troisième de rang (4-3), et Thierry Laurey avait besoin d’exprimer sa frustration dans un maelstrom de paranoïa aiguë et de rancœur plus vraiment contenue.
Acculé par les mauvais résultats, placé au pied du mur, le technicien âgé de 56 ans a retrouvé calme et lucidité au moment d’évoquer mercredi matin ce qui s’apparente au match de la dernière chance.
Car on voit mal comment il pourrait survivre à une nouvelle désillusion, voire même à un match nul qui serait une belle performance contre un club européen en temps normal, mais qui ne ferait guère avancer le schmilblick en cette période de disette.
« La seule chose qui compte, c’est de prendre des points », a répété à plusieurs reprises celui dont la destinée est liée au club alsacien depuis l’été 2016, quand il s’est assis sur le banc d’une équipe que l’éternel Jacky Duguépéroux avait sortie des limbes du National.
La belle histoire était alors en marche, avec de grands frissons, quelques sueurs froides mais une progression constante.
En mai dernier, alors qu’il venait de prolonger son contrat d’une saison supplémentaire après avoir fini le championnat écourté par le Covid à la 10e place, Laurey espérait s’inscrire dans la durée. « C’est peut-être le projet de ma vie, disait-il. Mais je ne suis pas dupe. Si les résultats sont moins bons, on sait ce qui peut arriver, sachant que le Racing en tant qu’entité l’emporte sur le reste… »
Six mois plus tard, on y est. L’institution est en danger. Et son entraîneur n’a plus de joker. Fidèle à ses principes, il continue à creuser le sillon qu’il a toujours tracé, par grand soleil comme par mauvais temps.
Connu pour être soupçonneux vis-à-vis du monde extérieur mais ultra-protecteur avec ses joueurs, Laurey les défend bec et ongles. « Les garçons ont le bon état d’esprit, dit-il. Ils ne doivent pas penser qu’ils sont soudain devenus mauvais, parce que ça n’est pas vrai. Il faut que tout le monde ait confiance en ses partenaires et donne le meilleur de soi-même. »
Ne comptez pas sur lui pour se défausser sur les défenseurs, pourtant loin d’être au niveau avec déjà 23 buts encaissés, dont quatre, dimanche à la Mosson. « À un moment, on ne marquait pas assez de buts, maintenant on en prend de trop, développe-t-il. Quand on est en bas de classement, on ne joue pas de la même façon. Tu évolues avec le frein à main, tu hésites dans ta prise de décision. Certains n’ont pas le vécu de cette situation. Il y a un grain de sable qui vient bloquer la mécanique. On y travaille depuis des semaines pour l’éliminer. Peut-être faut-il donner plus que l’on peut… »
À partir du moment où les joueurs sont intouchables, il faut bien trouver des explications. Le manque de chance est un argument régulièrement avancé par le coach.
« Je ne veux pas me réfugier derrière des “si”, sinon on aurait 25 points et on serait devant le PSG. Ce qu’il nous faut, c’est un poil de réussite supplémentaire. Mais je ne veux pas que les gens pensent que notre 19e place s’explique uniquement à cause de la poisse. Si on en est là, c’est que l’on a eu des faiblesses. Je parle de tous ceux qui participent à la vie de l’équipe. Parfois, on n’a pas fait ce qu’il fallait. »
Le système de jeu, fluctuant au gré de l’adversaire, n’est pas en cause. « On a fait deux bons matches avec un schéma similaire contre Marseille et Montpellier », dit-il. Son discours ne passe-t-il plus ? « Non, répond-il fermement. Si ce n’est auprès des journalistes. Mais heureusement, vous ne jouez pas. »
Quitte à mourir vendredi, ce sera avec ses idées
Alors quoi ? « Il y a plusieurs raisons objectives, dont certaines que je tairai », poursuit-il. Les blessures de Matz Sels et Lebo Mothiba avant même que la saison ne commence font partie de la première catégorie, à l’instar de ce fichu Covid qui a plombé toute la préparation.
Parmi les choses tues, on pense à la méforme persistante d’Adrien Thomasson et à la “disparition” de Majeed Waris, qui étaient censés occuper un rôle essentiel dans l’animation offensive.
Thierry Laurey n’accablera personne. « Je ne suis pas là pour me plaindre, insiste-t-il. Ce qu’on fait est peut-être juste, peut-être pas juste, peut-être malhonnête, je ne sais pas. Mais c’est ma version des choses, j’espère qu’elle est la plus objective possible. Aux gens de se faire une idée. »
L’heure du testament n’a pas encore sonné. Il s’agit déjà de livrer cette bataille décisive contre les Rennais. Laurey veut « avant tout penser “collectif”, “équipe” et “résultat”, pas à soi ou à son plan de carrière ».
Obstiné, l’Aubois de naissance refuse de baisser les bras. « Si moi, je ne suis pas entraînant, je ne sais pas qui va l’être. Au fond de moi, je suis persuadé que l’on va remonter. Il faut juste enclencher la première. »
Quitte à mourir vendredi, ce sera avec ses idées. Et ça, personne ne pourra lui enlever.