L'Alsace a écrit :Sitterlé seul en piste
Comme annoncé dans notre édition d’hier, Bernard Graeff, éminence grise du projet de rachat financé par son fils Sébastien, a décidé de laisser le champ libre à Frédéric Sitterlé dans la course au rachat du RCS. Encore faut-il que Jafar Hilali accepte de le vendre au Haut-Rhinois…
Les jours défilent. Voilà bientôt un mois que le Racing a disputé son dernier match à la Meinau contre Bayonne et il n’est pas plus avancé. Il ignore encore dans quelle division il évoluera en 2011-2012, qui en sera le prochain propriétaire - s’il doit y en avoir un - ou même s’il existera encore. Mais depuis hier, dans l’interminable feuilleton de sa revente, il y voit tout de même un peu plus clair.
Comme annoncé dans nos colonnes, Bernard Graeff s’est retiré de la compétition. Mardi en soirée, « l’investisseur masqué » du projet de rachat financé par son fils Sébastien et défendu par l’ex-président Jacky Kientz s’est longuement entretenu avec l’homme d’affaires haut-rhinois, Frédéric Sitterlé, patron parisien de la société myskreen.com, dont l’offre - la 3 e depuis mars 2010 - avait une nouvelle fois été rejetée vendredi par le propriétaire londonien Jafar Hilali (1). Le financier de la Côte d’Azur a aussitôt renoncé à sa candidature. L’affaire du « vrai-faux » mail signé Alexandre Vernet, qui aurait pu l’agacer, n’a - assure-t-il - guère pesé dans son choix (voir ci-dessous). « C’est surtout une question de timing. Avec la prochaine audience devant la DNCG(2), les délais sont extrêmement serrés. Trop pour que j’aie le temps de convaincre les actionnaires minoritaires de lever leur droit de préemption. Je sais par expérience que ça demanderait quinze jours ou trois semaines pour tout régler juridiquement. Je sais aussi que Frédéric Sitterlé a leurs faveurs. Il m’a convaincu de sa volonté d’investir, même si j’ignore la manière dont il va s’y prendre. Qu’il discute avec Hilali, tombe d’accord avec lui et que le Londonien s’efface pour lui laisser le temps de préparer un nouveau dossier pour la DNCG. Je suis à fond derrière lui parce que son offre est cohérente. Hilali doit sortir du club. Alors, je laisse les mains libres à Sitterlé. C’est sincère et sans contrepartie. Si les discussions avaient eu lieu en janvier ou février, ma position aurait peut-être été différente, mais là, il faut faire vite. » Ce « gentlemen agreement » pourrait toutefois se prolonger par un nouveau contact si la vente était conclue. « Frédéric Sitterlé a ouvert la porte et je ne l’ai pas fermée », confie Bernard Graeff, « il a été convenu que nous nous reverrions peut-être, mais il n’y a aucun engagement de sa part ou de la mienne. Je serai déjà heureux s’il réussit à relancer le Racing. »
Hilali cherche… un coach !
Le Haut-Rhinois confirme les propos de son éphémère concurrent. « Je ne suis pas fermé. Mais pour l’instant, on fait ce qu’on a dit : Bernard Graeff retire son offre. Moi, je me suis fait jeter. La balle est dans le camp de Jafar Hilali. » Que fera le propriétaire de la City ? Pour l’instant, il fait comme si de rien n’était. La preuve : il s’est mis en quête d’un nouvel entraîneur et devrait rencontrer des candidats aujourd’hui. Plusieurs noms circulent : Didier Ollé-Nicolle, évincé de Neuchâtel Xamax à quelques journées de la fin ce printemps, Noël Tosi, remplacé à Nîmes en mars, Ladislas Lozano, le coach de l’épopée de Calais jusqu’en finale de la Coupe de France 2000, Alain Michel, l’ancien entraîneur de Grenoble nommé manager général du Red Star (CFA) début juin, et même Stéphane Ziani, l’ex-directeur technique nantais qui vient de claquer la porte du FCN.
Reste qu’on peut s’interroger sur le bienfondé de ces prospections alors même que Hilali a déclaré en avoir marre et être vendeur, qu’un acheteur est toujours sur les rangs et que la Ville, l’association et les instances nationales du football se sont mises hier en quête d’une solution viable pour anticiper le départ du Londonien (voir ci-dessous). « On nous a dit que Strasbourg était un cas unique », commentait l’adjoint strasbourgeois aux finances Alain Fontanel après son entrevue avec la Ligue et la FFF. Toute la France du foot, jusque tout en haut de la pyramide, en a désormais pleinement conscience.
Une vie après Hilali ?
C’est sans doute une première dans l’histoire du « ballon rond hexagonal » : hier, les plus hautes instances du football français, la Ville de Strasbourg et l’association support ont évoqué durant près de deux heures au siège de la Fédération française le devenir d’un club - le Racing en l’occurrence - en l’absence de son président propriétaire. Comme si le départ de Jafar Hilali, qui a, c’est vrai, annoncé son intention de céder la place et même de déposer le bilan dans les premiers jours de juillet si nécessaire, était pratiquement acté.
Sans le dire ainsi, Alain Fontanel, l’adjoint strasbourgeois aux finances qui représentait la mairie en compagnie de son homologue des sports Serge Oehler et du directeur des sports Jacques Vergnes, admet que la présence du propriétaire londonien au-delà du 1 er juillet « est une option théorique que pour l’instant, nous n’avons pas prise en compte. »
Autour de la table se sont ainsi retrouvés non seulement les deux directeurs généraux de la Ligue et de la FFF, Jean-Pierre Hugues et Alain Resplandy-Bernard, mais aussi des représentants des deux DNCG (professionnelle et fédérale) et des deux services juridiques, les trois émissaires de la Ville et le président de l’association support RCS, Patrick Spielmann. « La première partie a été consacrée à un état des lieux pour que tout le monde soit au même niveau d’information », décrit A. Fontanel. « Nous avons notamment informé nos interlocuteurs de la volonté des propriétaires londoniens de quitter le stade de la Meinau. Nous avons étudié le calendrier des prochaines étapes et échangé sur les différentes options sur lesquelles il est nécessaire de travailler pour assurer la pérennité du club et du centre de formation. »
L’adjoint aux finances se refuse pour l’heure à entrer plus dans les détails. « Tout simplement parce que certaines de nos questions ont besoin d’être approfondies. Nous avons tout mis sur la table. Tous les cas complexes de ces dernières années seront étudiés de manière à nous ouvrir des perspectives. Les instances, dont les deux présidents sont très attentifs à notre dossier, ont répondu à l’appel de Roland Ries, le maire de Strasbourg, qui les avait sollicitées. Elles sont conscientes des enjeux et ont mis en œuvre toute la mobilisation et l’expertise nécessaires pour accompagner le club et l’aider dans ses difficultés. Elles ont clairement identifié la source des problèmes. Très rapidement, nous aurons un nouveau contact qui nous permettra de recueillir les précisions juridiques et financières dont nous avons besoin. J’espère que nous aurons avancé avant la fin de semaine. »
Cette avancée éventuelle reste néanmoins assujettie à un paramètre incontournable : la volonté de J. Hilali, toujours aussi difficile à cerner.
Un mail de nulle part
C’était mardi. Sébastien Graeff reçoit de Jafar Hilali un courrier électronique que lui a adressé un certain Alexandre Vernet, supposé représentant de Frédéric Sitterlé. Ce mail indique que le Blodelsheimois est « prêt à revoir sensiblement à la hausse sa proposition en cash. » Le patron de myskreen.com dément aussitôt. « Je ne révise aucune proposition. Je ne négocie plus. » J. Hilali a-t-il ainsi cherché, avec un mail factice, à berner Bernard Graeff en lui présentant un F. Sitterlé prêt à « grimper au cocotier » pour racheter le Racing ? « Alexandre Vernet est quelqu’un avec qui j’ai échangé quelques mails, mais que je ne connais pas et que j’ai encore moins mandaté pour me représenter », tranche le Haut-Rhinois, « Peut-être a-t-il cru bien faire en voulant que les négociations reprennent entre Jafar Hilali et moi. Mais son mail n’est qu’un épiphénomène auquel Hilali se raccroche. Avec Bernard Graeff, nous avons évacué ce sujet en quelques secondes. Il ne s’agit que de la récupération orientée du mail d’un supporter qui n’avait rien à faire là. »
(1) Petit rappel de la teneur de cette offre : 1,6 million pour le rachat, plus deux bonus d’un million chacun en cas de remontée en Ligue 2 en deux ans et Ligue 1 en quatre ans.
(2) La Direction nationale du contrôle de gestion de la Ligue pourrait recevoir le RCS le 22 ou le 29 juin.