DNA a écrit :Dayan entre en scène
En charge de redresser un Racing fort mal en point, Luc Dayan a brossé le discours de sa méthode, hier, pour sa première journée en Alsace. Plutôt séduisant, le chargé de mission envisage tout, et même le pire.
Une batterie de micros dont un n'a pas manqué de pimenter la conférence de quelques chutes, des caméras disséminées aux quatre coins du salon des présidents, des gratte-papier aux rafales de questions diverses et variées : Luc Dayan a été soumis à un grand oral pour sa première à Strasbourg. Il s'est efforcé de ne jamais laisser transparaître ses doutes. Il a opportunément noyé quelques poissons nauséabonds. Il était là « pour répondre à toutes les questions et dire pourquoi les choses ont changé et évolué ». L'exercice d'une bonne heure a été plutôt bien maîtrisé. Dans la forme, finalement, il n'y a rien eu à redire. On peut légitimement jugé judicieux le choix du médecin pour porter secours au Racing malade. L'homme porte bien, connaît le dossier strasbourgeois pour avoir envisagé cet été un plan de reprise quand le président Ginestet était vendeur. Dans le fond, il reste des zones d'ombre. Luc Dayan ne l'a pas nié. Il y a des questions à poser à Alain Fontenla, l'actionnaire ultra-majoritaire qui décide de tout et qui l'a « contacté il y a une dizaine de jours pour le missionner ». « Vous posez des questions à qui vous voulez, lâche l'ancien président de Lille, dans un sourire. Je suis là pour délivrer un maximum de réponses. Mais l'idéal pour moi, c'est que l'actionnaire principal ne parle plus à la presse. Car on met volontiers l'aspect sensationnel des choses en avant .» Luc Dayan est prêt à assumer toute la lumière des projecteurs. Le rôle qu'il s'est décrit a pris des allures de présidentiable en puissance. Il assurera une présence plutôt assidue au club dans un premier temps. « Ça a fonctionné comme ça partout dans les onze clubs où je suis passé avant, précise-t-il. Je ne vais pas parler d'un attachement affectif à Strasbourg. Etre présent au match, c'est mon travail. Et j'ai du respect pour mon travail. Je remplirai les devoirs qui y sont liés .»
«Mon travail, c'est aussi de faire qu'il n'y ait pas besoin de ces trois millions»
Quelques petites touches humoristiques n'ont pas manqué d'agrémenter le discours. Une question sur le sportif ? « J'ai joué arrière-gauche », répond-il comme pour signifier ses réticences à s'immiscer dans les prérogatives de l'entraîneur. Le Racing - Lyon de la fin de la semaine ? « On va déchirer l'OL. Aulas ne dort plus et a des problèmes de trésorerie. Puel stresse parce qu'il ne m'a jamais battu .» Sur les questions plus sérieuses, Luc Dayan a paru gêné aux entournures. Finalement, il a évacué les besoins du Racing d'un revers de manche en répétant ses marottes et, notamment, la nécessité pour un club de fonctionner sans apport régulier d'argent frais. « La DNCG a écrit au club en demandant quatre documents », explique le toujours président de l'Entente Sannois St-Gratien. Nous lui en avons fourni trois. Il exige le versement de trois millions d'euros de garantie avant le 5 janvier. Mais dans le plan de trésorerie envisagé, on a montré qu'il n'y avait pas besoin d'immobiliser cet argent .» En fait, à terme, le chargé d'une mission veut affranchir le Racing de sa tutelle capitalistique. Le défi est de réorganiser une structure qui doit fonctionner à l'équilibre. La saison prochaine, en L 2, le Racing s'appuierait sur 14 millions d'euros de recettes pour 14 millions d'euros de dépenses. « Il faut rebâtir une organisation capitalistique qui a 12,5 millions de recettes et 17,8 de dépenses aujourd'hui », souligne-t-il. Mais d'ici là, le club strasbourgeois pourrait bien passer par les fourches caudines du gendarme financier du foot pro. « J'ai un rapport particulier avec la DNCG puisque je suis le seul à l'avoir fait condamner (ndlr : à 500 000 euros pour avoir refusé la montée de Sannois St-Gratien en L 2 en 2005), mais là, elle se blinde parce qu'il y a un changement d'actionnaire. On peut penser que c'est un délit de sale gueule, parce qu'on n'a pas demandé à Colony Capitals l'origine de ses fonds quand il a repris le PSG, considère Dayan avant de préciser, mon travail, c'est aussi de faire qu'il n'y ait pas besoin de ces trois millions. » Il envisage donc aussi son travail avec l'éventualité du pire à venir. Et la perspective n'a pas eu l'air de l'inquiéter. Dayan est définitivement là pour rassurer.
« Je crois aux choses simples »
Luc Dayan a tenté de répondre à quelques-unes des nombreuses questions qui se posent encore après des semaines de revirements en tous genres. Verbatim.
LE DÉPART DE FOURNIER. - « Actuellement Julien Fournier est toujours président de la SASP et négocie son départ. A l'amiable ou non, je n'en sais rien. Mais je connais Julien, il ne veut pas gêner le club et son départ va se règler rapidement.
Ralph Isenegger, conseiller sportif
Julien Fournier est jeune. Il a peut-être pensé qu'il pouvait prendre toutes les décisions tout seul. En plus, il a signé avec Roman Loban et il s'est finalement retrouvé avec Alain Fontenla. C'est normal qu'ils se séparent, surtout que Julien n'a jamais fait de restructuration de club. Il pensait que l'actionnaire allait mettre 15 millions (comme cela avait été annoncé lors de la vente du club, ndlr). Il est parti quand il s'est rendu compte que ce n'était pas le cas. On ne peut pas le lui reprocher. »
LE ROLE D'ISENEGGER. - « J'ai eu un coup de fil de Ralph Isenegger il y a trois semaines environ. Il voulait que je jette un oeil au dossier. Au départ, Isenegger a servi d'intermédiaire entre Philippe Ginestet et Roman Loban lors de la vente du club. Ensuite, il a assuré la transition avec Alain Fontenla. Quand je l'ai rencontré, je me suis fait préciser son rôle. Ralph Isenegger est un avocat connu dans l'achat et la vente de joueurs et il m'a dit "J'aimerai continuer à suivre le dossier". Il est devenu conseiller sportif du club. Je pense qu'il a une vraie compétence dans la gestion financière et juridique des joueurs et il va travailler avec Pascal Janin sur le recrutement. Avant, il faisait office de patron, mais maintenant c'est terminé, son champ d'action est bien délimité ».
L'ENTRAINEUR ET L'EFFECTIF. - « Pascal Janin est là et c'est très bien. En temps de crise, il faut des gens solides, stables et équilibrés. Je crois aux choses simples et virer un entraîneur, ce n'est pas le bon schéma. On est là pour créer les conditions pour que les joueurs soient tranquilles sur la pelouse.
Reconfigurer l'effectif
Pour l'effectif, j'attends de voir avec l'entraîneur, les joueurs, l'état des contrats... Il va forcément falloir reconfigurer l'effectif pour faire une deuxième partie de saison saine. Après, si demain un club offre 7 millions d'euros pour acheter un joueur du Racing, on le vendra. Mais pour l'instant, je n'ai pas eu d'offre officielle pour personne et il faut aussi voir si la DNCG pose des contraintes ».
LE MYSTERE FONTENLA. - « Philippe Ginestet a vendu à Roman Loban, qui a ensuite cédé 50% de ses parts à Alain Fontenla, avant de lui vendre la totalité de ses parts. L'actionnaire qui a repris le club a revendu et, à mon avis, ce n'est pas comme cela qu'il faut faire. Alain Fontenla n'avait pas la connaissance du monde du football, de ce qu'est réellement une SASP, et quand il a pris la totalité des parts, il n'a pas mesuré les conséquences. Ensuite, il a mal géré la communication, alors qu'un club de football, c'est une entreprise de communication. Du coup, il a songé à revendre, estimant avoir été mal accueilli. Puis, il s'est certainement dit qu'il voulait prouver qu'il pouvait réussir. Maintenant, ça y est, il a pris sa décision, il reste. »
SES PRIORITÉS. - « Il y a beaucoup de problèmes techniques à régler. Il faut d'abord clarifier la communication, ensuite rétablir le lien avec la Mairie, enfin voir la situation de l'effectif pour définir les marges de manoeuvre. »
« Repartir sereinement »
A l'occasion de leur premier contact, les joueurs strasbourgeois ont accueilli Luc Dayan avec philosophie. Et reviennent sur les derniers rebondissements au sein du club strasbourgeois.
Hier, sur les coups de 17h, il n'y avait pas photo à la Meinau. Côté salon des présidents, une vingtaine de journalistes étaient présents. Côté terrain d'entraînement, seuls deux observateurs avaient fait le déplacement.
«Ça nous change pas trop»
Et même parmi les joueurs, les préoccupations extra-sportives semblaient encore plus que présentes dans les esprits, alors que se profile pourtant une « affiche » face à Lyon, samedi, à la Meinau, dans le cadre des 32es de finale de Coupe de France.
« Personne ne nous a encore parlé de Lyon, l'actualité est ailleurs, on le sait », en sourit presque Stéphane Pichot. Comme ses coéquipiers, le défenseur latéral du Racing a découvert, durant la trêve, les nombreux rebondissements internes au club via les journaux. Et les joueurs, déjà un peu déboussolés, ont finalement vu apparaître hier un nouvel acteur dans le feuilleton, à savoir Luc Dayan, qui a présenté son projet à l'effectif strasbourgeois. « Il est venu se présenter et exposer le contenu de sa mission pour les quatre mois. On a eu droit à un petit cours de finance et de capitalisme pendant vingt minutes. Ça ne nous change pas trop. Depuis le début de la saison, c'est le 2e ou 3e qui nous tient un tel discours », expose Steven Pelé, un peu dubitatif. Stéphane Cassard, le portier, semble pour sa part un peu plus convaincu. « Ce n'était pas inintéressant. Il nous a présenté les enjeux et éclairer l'organisation du club », ajoute le gardien de but, qui laissera sa place de titulaire à Régis Gurtner samedi soir. Pour Stéphane Pichot - qui connaît Luc Dayan pour l'avoir côtoyé à Lille -, l'arrivée de ce spécialiste en situations délicates pourrait permettre au Racing d'arrêter enfin de défrayer la chronique. « Je ne connais pas tous les paramètres, mais Luc Dayan peut stabiliser le domaine financier, argue le défenseur arrivé cet été en provenance de Sochaux. Je pense que la situation du Racing est très délicate, mais Dayan a fait des bonnes choses, notamment à Lille, où il a fait passer l'équipe de la 17e place de L 2 à la Ligue des Champions ». Et Stéphane Pichot d'espérer que le Racing pourra enfin « repartir sereinement, après des années de bricolage ». Hormis l'arrivée de Dayan à la tête du club, la confirmation de Pascal Janin à son poste d'entraîneur est aussi un point positif relevé par les joueurs. « La stabilité du staff, c'est primordial, poursuit Stéphane Pichot, pendant un mois, on a vécu avec des incertitudes, qui font que tu ne peux pas être forcément à 100%. Le fait que Janin soit conforté, c'est bien. Il est resté digne, droit et professionnel. On a envie de travailler pour lui, de faire corps ». « Nous, on doit s'occuper du sportif », appuie aussi Steven Pelé. Or le sportif représente déjà un sacré boulot, tant le chantier est énorme. « Si on est 18e, c'est de notre faute. Ce n'est pas le président qui joue. Là, on sait qu'il va falloir prendre au moins 24 points lors de la phase retour. Et on sait que la solution ne pourra venir que du groupe », conclut Stéphane Pichot. Ce n'est pas Luc Dayan qui le contredira. Ce dernier a répété hier que « ce sont les joueurs qui ont la réponse » aux principaux soucis du Racing.
Barbara Schuster & François Namur