DNA a écrit :Trois ans de prison
Pour avoir détourné 975 000 € pendant près de dix ans, Gérard Lévy, l'ancien comptable de la Ligue d'Alsace, a été condamné hier à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Il devra également payer un total de 1,6 millions d'euros en réparation du préjudice, paiement des frais de justice et... redressement fiscal.
Il est 8h30 hier à Strasbourg. La salle des pas perdus du tribunal de grande instance est animée. Au fond, à gauche, dans la salle 2, se prépare la dernière audience de la semaine consacrée à des affaires financières. On y traite habituellement de fraude fiscale, chèques sans provision ou contrefaits, détention frauduleuse de document administratifs, etc..
L'état-major de la LAFA a fait le déplacement
Mais ce coup-ci, l'affaire est d'un beau gabarit avec la comparution de Gérard Lévy (62 ans), accusé d'avoir détourné 975 000 € à la Ligue d'Alsace de football dont il était le comptable de 1995 à 2005. Tout l'état-major de la LAFA a fait le déplacement : Gilbert Schneider (président), Erny Jacky (directeur), Christian Deleau (trésorier), Marc Lainé (trésorier adjoint) et Jacques Berthommier (secrétaire). Ils sont accompagnés par Francis Willig, Marc Siffert, Me Nicolas Wiltberger. On ne relève aucune présence massive de représentants des clubs alsaciens. Sur la table du greffier, le dossier Lévy est composé de dix gros classeurs rouges. L'intéressé s'assied au fond de la salle, deux rangs derrière les ténors de la LAFA. C'est à 9h25, après l'examen de deux autres affaires, que l'on entre dans le vif du sujet. Gérard Lévy s'avance à la barre et le président Gabriel Steffanus lit le dossier.
« Il n'y avait pas de contrôles. Je ne sais pas pourquoi »
L'arrivée à la LAFA, le premier poste d'aide-comptable, le licenciement de son prédécesseur, son embauche définitive et le début des malversations : tout est passé en revue. Aux questions du président, Gérard Lévy, pâle et prostré, répond doucement : « Non, il n'y avait pas de contrôle. Je ne sais pas pourquoi. Les paiements en liquide, ce n'est pas moi qui décidait. Le président de l'époque (Ernest Jacky) tenait à ce système. » « Je jouais aux courses, poursuit-il. Je me disais que je rembourserai tout quand je gagnerai le gros lot. Il y a des jours où j'en étais malade. Je ne mangeais ni ne dormais. Je me disais que je devais arrêter. Fin 2005, les remords me travaillaient. » Dans le rapport d'un psychiatre, il est décrit comme un « escroc posé, calculateur ; un homme fin, organisé et réfléchi qui a eu une stratégie élégante et subtile. Il n'a pas le profil d'un joueur pathologique. » Son avocat, Me Jacques-Vivien Debré, conteste cette conclusion. Selon lui, son client a des traits de caractère « obsessionnels », il est pris « dans un rythme compulsionnel sauf quelques périodes de lucidité. » Après avoir attaqué sévèrement la commissaire aux comptes (voir plus bas), il demande au tribunal du sursis, une mise à l'épreuve et l'obligation de soins.
« A quoi a servi cet argent détourné ? »
Auparavant, le procureur Franck Walgenwitz s'était interrogé sur la personnalité de Gérard Lévy, ses motifs et le but de ces détournements. « A quoi a servi tout cet argent détourné ? J'attends des explications plus poussées. » Il demande trois ans de prison dont deux avec sursis. Mais l'insolvabilité du prévenu est un obstacle à un remboursement constate-t-il. Au nom de la LAFA, Me Gérard Alexandre avait souligné le « côté dramatique et scandaleux au préjudice d'une association d'intérêt public » et « les liens de confiance qui ont été brisés ». Le jugement est énoncé dans l'après-midi. Le tribunal suit le réquisitoire du procureur et y ajoute des sanctions financières (voir encadré). Le chapitre le plus spectaculaire de l'affaire Lévy s'achève. Pour la LAFA, un autre combat délicat commence : récupérer son argent.
500 euros par jour
L'audience d'hier a permis de connaître exactement les méthodes utilisées par Gérard Lévy pour détourner 975 000 € en dix ans. Sans que personne, à la LAFA, ne s'en rende compte. Embauché en 1995 comme aide-comptable à la LAFA, Gérard Lévy a, très vite, eu à sa disposition tous les outils pour détourner de l'argent. Il se voit notamment attribuer une carte bancaire ainsi que les procurations et délégations de signature nécessaires pour les opérations bancaires classiques (retraits, dépôts, virements). Quatre méthodes ont été employées et ont été très précisément décrites, hier, par le président du tribunal Gabriel Steffanus. Les retraits par carte au distributeur atteignent un total de 607 000 €, les retraits « manuels » au guichet s'élèvent à 140 000 €, deux chèques ont été falsifiés (5 000 €) et le comptable s'est directement servi dans la caisse de la LAFA (137 600 €). Très vite, le rythme des prélèvements a augmenté ainsi que les sommes. Celles-ci ont même atteint une moyenne de 500 € par jour sur les derniers mois avant que Gérard Lévy ne se dénonce. En 2002, il détourne 80 000 €. Puis c'est l'escalade. En 2003, 107 000 € tombent dans sa poche. En 2004, les enquêteurs ont chiffré le filoutage à 131 000 € puis à 156 000 € en 2005. Le comptable indélicat joue ces sommes presque tous les jours dans des PMU de Strasbourg et d'Obernai. « 365 jours par an, il jouait. Même pendant les vacances. Au point, parfois, de laisser une enveloppe contenant de l'argent à une connaissance qui se chargeait de jouer pour lui », a expliqué son avocat.
Les enquêteurs retrouvent également un versement de 250 000 € sur son compte personnel. Pour masquer ces prélèvements, Gérard Lévy s'est servi de faux en écriture. Quand il piochait 500 €, il faisait une fausse écriture du même montant en direction d'un compte SICAV. Au total, il a effectué 415 opérations fictives sur ce compte. L'usage de cet argent? Ont été évoqués des voyages, des séjours en hôtel et une opération de «time-sharing» à St-Domingue.
Le jugement
Gérard Lévy est condamné à trois ans de prison (dont deux avec sursis). Il avait déjà effectué quatre mois de détention préventive donc huit mois d'incarcération l'attendent encore. Il devra rembourser 905 150 € (préjudice financier) et 10 000 € (préjudice moral). S'y ajoutent 2 500 € de frais de justice et les honoraires d'avocat. Par ailleurs, considérant que les 975 000 € qu'il a détournés constituent un revenu supplémentaire (qu'il n'a pas déclaré), le fisc l'a mis en redressement et lui réclame 706 910 €.


 
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