dna a écrit : zoom sur Damien Ott avant Avranches – Racing (demain 18h30)
Le conquis de l’Ouest
Voilà plus d’un an et demi que Damien Ott est un exilé volontaire dans l’Ouest de la France. L’ancien entraîneur de Saint-Louis, Mulhouse et Colmar assure que son expérience avranchinaise l’a fait progresser en tant que technicien et grandir en tant qu’homme. Apaisé, il se réjouit d’affronter le Racing en 8e de finale de la Coupe de France, demain.
Le ton est cordial, les mots sont simples et l’analyse est lucide. À l’autre bout du fil, Damien Ott prend manifestement plaisir à conter sa nouvelle vie dans la baie du Mont-Saint-Michel. Une expérience née de la douleur de son remplacement par Didier Ollé-Nicolle à la tête des SRC mais qui se révèle, aujourd’hui, riche en enseignements. Maintenant que la page colmarienne est « définitivement tournée », le quinquagénaire a pu reprendre le fil de sa progression à Avranches.
Pourtant, son arrivée en Normandie n’était pas sans susciter des interrogations pour son premier exil professionnel hors d’Alsace. « Il est venu à reculons car il n’avait plus de club, indique le président de l’USA Gilbert Guérin. Mais il a évolué dans sa perception de la Normandie. Aujourd’hui, il lui faudrait une offre du Racing pour qu’il retourne en Alsace ! »
« Si tous les Alsaciens sont comme lui, la région doit être belle… »
Les « fantômes » colmariens ne viennent plus hanter celui qui en est à sa troisième année de mise en disponibilité de l’Éducation nationale. Condition sine qua non pour prendre un nouveau départ dans une région qu’il a fini par apprivoiser. « J’ai révisé mon jugement, glisse, sincère, Damien Ott. Aujourd’hui, la cathédrale de Strasbourg a été remplacée par le Mont-Saint-Michel. Je vis une magnifique évolution en termes d’intégration. Je me retrouve dans les valeurs locales comme la simplicité, l’abnégation, le travail. J’ai cru un moment que ce serait dur de faire les deux ans ( la durée de son contrat) , mais je vais probablement resigner pour une troisième année. »
L’homme a donc évolué, l’entraîneur aussi, en prenant un peu de recul. De son éviction aux SRC, il en a tiré les conclusions. Et n’en garde plus d’amertume, s’estimant en partie responsable de sa situation. Le temps a fait son œuvre.
« C’était difficile à encaisser sur le coup car très brutal. J’étais un peu essoufflé. Je n’en veux même plus à la direction du club mais plus aux (supporters) Colmariens. La force des SRC, c’était son identité. On est parti d’en bas mais on a perdu nos valeurs. Il y a eu trop d’impatience, comme si on avait oublié d’où on venait », juge-t-il après coup.
Pour celui qui se faisait fort d’incarner le visage de l’Alsace qui réussit, ses cinq années passées en National sous la bannière verte lui ont laissé un goût d’inachevé. Car si l’entraîneur, d’une prudence de Sioux au moment d’étaler ses ambitions au commencement de chaque saison, n’a jamais ouvertement visé la montée en Ligue 2, il l’a toujours fantasmée. C’était la suite logique à sa carrière, la prochaine étape.
Loin d’avoir fait le deuil du professionnalisme, le natif de Bâle estime avoir franchi un palier à Avranches, club qui a pourtant des objectifs modestes, comme pérenniser sa situation au troisième échelon de la hiérarchie française. Le professeur continue d’apprendre. Sur la gestion humaine, notamment.
« Je n’arrête pas de lui dire de s’ouvrir. Nos jeunes ont besoin d’explications, d’être rassurés. Damien, c’est quelqu’un d’entier, qui n’aimait pas trop discuter ses choix. Mais l’époque de la discipline est révolue. C’était une lacune dans un océan de connaissances, analyse Gilbert Guérin. C’est un bosseur qui passe des heures devant son ordinateur, un mec bien, un peu secret, avec des valeurs. Si tous les Alsaciens sont comme lui, la région doit être belle… »
« M’intéresser aux gens en dehors du terrain, je ne savais pas le faire »
Faire un pas de côté pour délaisser le terrain et connaître l’homme derrière le joueur, voilà ce que s’oblige à faire le nouveau Damien Ott. Son management en a été bouleversé. Et sa relation avec son groupe n’en est que plus forte. Il en va de même avec son président, au profil un peu paternaliste, qu’il apprécie pour ce qu’il a réalisé à la tête de l’USA depuis 27 ans et pour ses qualités humaines.
« Ici, il y a une proximité que je n’ai pas connue à Colmar et qui m’a aidé à devenir un entraîneur différent, explique le coach de 51 ans. J’avais besoin d’améliorer ma communication, en interne mais aussi vers les médias. »
D’un caractère taiseux il n’est pas passé à une personnalité extravertie non plus. Mais il donne plus et reçoit en retour. Ce qui lui a permis de trouver un nouvel équilibre professionnel et personnel.
« Faire des causeries, je savais faire. Mais m’intéresser aux gens en dehors du terrain, je ne savais pas le faire, avoue-t-il, conscient qu’au-delà de l’aspect tactique, il devait progresser dans la conduite d’un groupe. J’ai commis des maladresses à Colmar. Ici, je cerne mieux mes joueurs. En m’intéressant à eux, j’ai développé plus de connexions et je suis plus à même de les faire progresser. »
L’approche de son métier lui ouvre de nouveaux horizons. Sans en avoir fait un complexe, il apprécie néanmoins ne plus être embêté au sujet de son passé d’enseignant. Et s’il concède n’avoir pas eu le temps de gagner sa légitimité aux SRC, il pense l’avoir acquise à Avranches. Désormais, il estime avoir suffisamment prouvé pour candidater au BEPF (*), une formation dans laquelle l’accompagnera l’USA en prenant une partie des frais à sa charge.
« Accéder au monde pro, c’est la dernière étape, insiste-t-il. Je n’ai pas l’ambition de retourner enseigner. Je compte bien faire mes dix ans de disponibilité. Mais le football est aléatoire et je saurai faire la part des choses. »
Apaisé, Damien Ott a trouvé dans son exil forcé et désormais souhaité matière à s’élever. Contrairement à Erich Maria Remarque, l’Ouest a été synonyme, pour lui, de renouveau.
(*) Brevet d’entraîneur professionnel de football