Source DNA
La délivrance
Ils l'ont fait. Hier soir, dans une Meinau prête à chavirer, les Bleus ont poussé avec force les portes de la Ligue 1 et retrouvé leur fierté. Cette belle victoire contre le champion messin restera à jamais associée à la reconquête du public alsacien et d'un rang perdu voilà un an. Une chouette soirée, à l'intensité rare, dont on reparlera assurément encore longtemps...
Adieu René-Gaillard, ses chamois niortais et ses traquenards au coin du bois. Là où, dans la douleur et l'anonymat, cette « équipe est née », comme le rappelle Jean-Pierre Papin. Au revoir, Jean-Laville, ses forges et son stade champêtre. Exit, Gaston-Petit, sa Berrichonne et la France « d'en-bas. »
Ce matin, le Racing est assuré de retrouver les lumières de la ville, le confort des stades modernes, l'exposition réservée aux gens importants. Oui, les Alsaciens sont à nouveau en Ligue 1.
« L'objectif est atteint, savoure l'entraîneur strasbourgeois, dont le nom a longuement été scandé par la foule. Il y a un immense bonheur et un gros soulagement. Je suis fier pour mes joueurs, qui méritent ce qui leur arrive. Ce club ne mérite pas la Ligue 2. »
Sous la patte de JPP, l'homme qui ne doute jamais, ils ont retrouvé une âme, à défaut d'un football chatoyant. Voilà bien l'essentiel, en vérité. « La L 2, ça a son charme, mais l'important est de ne pas s'y éterniser », disait un soir de gros temps le président Ginestet, du côté de Guingamp.
Tous se sont sublimés
pour parvenir à leurs fins
Un an tout rond. Comme son voisin messin, le Racing n'a pas traîné dans une division qui use autant son homme que les nerfs. A ce titre, le derby d'hier soir constitue encore un exemple parfait. C'est que la troupe de Francis De Taddeo est assurément un beau champion.
Hier soir, en tout cas, il n'a jamais lâché le morceau. Pourtant, il est peu de dire que les Strasbourgeois avaient les crocs. Eux qui ont si souvent péché par dilettantisme en début de rencontre, jusqu'à se placer dans des situations compliquées, sont rentrés sur la pelouse le mors entre les dents.
A l'image d'un Yacine Abdessadki qui s'est démultiplié aux quatre coins du terrain, d'un Guillaume Lacour omniprésent, d'un Pascal Camadini à l'expérience incomparable, d'un Tum qui n'a pas manqué de se glisser dans la peau du « faux-frère » ou encore d'un Renaud Cohade à la frappe lourde pour l'ouverture du score. Tous, hier soir, se sont sublimés pour parvenir à leurs fins. En héros.
Nuit intensément bleue,
infiniment douce
Comme un résumé de cette saison, cette rencontre a réservé son lot d'incertitudes et de crispations. D'autant que les poursuivants immédiats du Racing, en l'occurrence Caen et Amiens, ont maintenu la pression. Tous deux se sont imposés, interdisant ainsi le moindre faux pas alsacien, sous peine de gâcher la fête.
Quand Tum a dévié malencontreusement la balle hors de portée de Cassard, sur le but égalisateur de Bassong, une once de doute a parcouru les travées de la Meinau. Avec courage et abnégation, les Bleus sont repartis de l'avant. Tum, encore lui, a libéré les siens en offrant la balle décisive à son compère Mouloungui. Déjà , le stade chavire de bonheur.
Mais parce qu'il était dit que rien ne sera jamais facile, les Bleus ont tremblé. Jusqu'au bout. Forcément, la délivrance est à la hauteur du stress qui ne s'est dissipé que tardivement. Déjà , les Bleus se lancent dans une folle farandole autour du terrain. Jean-Pierre Papin est porté en triomphe. Pascal Camadini court avec le drapeau. Jeff Strasser harangue la foule au micro. « Prési » Ginestet promet une prime de 100 000 euros et un voyage de trois jours à Ibiza, dès lundi...
Dehors, la foule roucoule. La communion est intense. Chacun y prend sa part de bonheur, qu'il gardera bien au chaud quelque part au fond du coeur quand le temps sera moins clément. Hier soir, le Racing a retrouvé la Ligue 1. Ça n'était pas écrit d'avance. La nuit est bleue. Intensément bleue et infiniment douce. Merci, les gars.
Sébastien Keller