DNA a écrit :Colmar s'est mis au Vert
En éliminant Monaco presque le plus logiquement du monde, les Colmariens ont justifié leur excellente position en championnat. Une équipe forte et complémentaire. Un club qui veut se donner les moyens de sa réussite.
« Bonjour. C'est Guy Roux. Félicitations aux joueurs de Colmar. » C'était hier midi à la rédaction sportive des DNA à Colmar. Coup de fil spontané et sincère du technicien dont tout le monde parle, du Colmarien de jeunesse. Hommage justifié aux représentants d'un club historique (il a fêté ses 85 ans l'an dernier) en train de redonner du plaisir et de la fierté à tous ceux qui s'en étaient éloignés.
SRC, sorte de Racing du secteur. Verts que l'on envie, que l'on jalouse, que l'on critique, mais que l'on a applaudi, encouragé, poussé vers la gloire, en entonnant un surprenant et vibrant « mais ils sont où les Monégasques ? » dans la froide et brumeuse nuit colmarienne.
Régis Kittler, une mentalité de gagneur sans exclure modestie et ouverture d'esprit
SRC du 3e millénaire qui parviennent, insensiblement, à éloigner les fantômes de leurs lointains prédécesseurs, les pros des années d'après-guerre, ceux qui enflammaient le regretté stade des Francs en traitant d'égal à égal avec l'élite française.
Régis Kittler, symbole magistral, jeune homme bien de son époque, coiffure adaptée, mentalité de gagneur n'excluant jamais modestie et ouverture d'esprit, a su, à la tête de ses copains, prendre le relais des Angel, Marjewski, Emmenegger, Battistella et autres Dreyer. Comme la bande à Platini pour celle de Kopa. Zidane et les siens pour la troupe de Hidalgo.
Le sport appartient d'abord aux sportifs. Aux joueurs. A ceux qui transforment sur le terrain, le travail réalisé en amont par les dirigeants, le staff technique. Lorsque Christophe Boesch, un jeune atteint d'une sclérose en plaque, a donné le coup d'envoi, les SRC déjà comptaient une longueur d'avance sur Monaco. Celle du coeur, de la volonté de se surpasser.
120 minutes plus tard, le verdict s'imposait. Jouera les huitièmes de finale, le 21 ou 22 mars, un mardi ou un mercredi ne favorisant guère les amateurs, ceux qui travaillent en plus, l'équipe la plus méritante.
On comprend pourquoi Squillaci, Meriem et les leurs ne tenaient plus à échanger leurs maillots. Dépités. Vexés. Ils étaient prévenus et ils ont craqué. Vaincus par plus « petits » qu'eux. Pas par moins forts.
« Ils jouent bien au foot », admettent volontiers les anciens, ceux qui découvraient ces verts 2006 décomplexés. « On essaye de les placer dans les meilleures dispositions », disent et répètent les trois entraîneurs, Lihrmann, le fougueux, Scherer, le placide, Herrmann, le multicarte. Président Hunsinger au diapason, toujours ambitieux (« on veut monter rapidement en CFA ») qui a voulu « jouer enfin la carte de la stabilité », en conservant les cadres, en y ajoutant de vrais renforts. En puisant largement dans les filets du FC Mulhouse.
Pour construire un groupe véritablement haut-rhinois. Les frères Milliet, Kalathung, Mastroianni, Kittler, Bader, ont tous été formés au FCM. Du métier, de la technique, de l'ambition.
«On a su se surpasser tous ensemble avec le public»
Somphouchanh vient d'un peu plus bas, de Belfort. Rodriguez, le meilleur buteur en championnat, a rejoint son club d'origine après un détour fructueux à Biesheim, pour y rejoindre Nemouchi et Heitzmann, autres verts de (presque) toujours.
Dupéroux s'était révélé au centre de formation du RCS, alors que Bikai et Enama apportent la touche africaine synonyme de joie de vivre et de qualités naturelles. Ignatowicz, Miollany, Bury, les jeunes Bontemps, Barquero, Aimetti, pour compléter un ensemble dont la joie de se retrouver n'a rien de feint.
S'il est vrai, que sortir ensemble, se retrouver, ne garantit pas le succès, il en augmente les chances. « On a su séduire dame coupe, parce qu'on a su se surpasser tous ensemble, avec le public », note Dominique Lihrmann.
Au tirage au sort, le 12 prochain, les SRC haut-rhinois représenteront toute l'Alsace. Celle qui gagne.
Journée de fous, nuit de folie
La majorité des joueurs colmariens ont pris congé hier. La 3e mi-temps avait été longue et les organismes éprouvés. Mais quel bonheur au réveil! A eux, désormais, d'autres gros bras à défier.
« Il était quatre heures et demi du matin, lorsque j'ai entendu mon voisin qui sortait sa poubelle. » Cette citoyenne d'Ingersheim habite juste à côté de Dominique Lihrmann, l'entraîneur d'un « cendrillon » qui n'a pas hésité à rentrer bien au delà de minuit. La moindre des choses lorsqu'on est jeune, qu'on a envie de faire la fête et qu'on le mérite.
Oh quelle nuit ! chantait Sacha Distel. Quel 1er février inoubliable pour des milliers de supporters. « On ne croyait pas Colmar capable de s'enflammer ainsi. Ce stade plein. Cette ambiance à la fin. Et à la sortie », notait Alex Dupéroux, qui a bien connu le milieu pro et qui revit chez les amateurs.
« C'est toi qui a fait un petit pont ? »
Du bruit, des lumières dans les rues menant au centre ville, malgré la brume qui se transforme en fine pellicule de neige. Concert de klaxons, orchestre antillais de Coco Rosier qui joue « Allez les verts ». « On est fier de vous », lance, du bout des lèvres, une supportrice âgée. L'unanimité, même si, sur place, beaucoup n'avaient « pas vu grand chose » dans le brouillard.
De la chaleur à revendre au club house. « Vous n'avez rien vu. On ne fait que démarrer. Donnez nous Paris ou Lyon, on est preneur », scande un Francis Miollany aux ressources intactes, lui qui avait du se contenter de vibrer et de trembler sur le banc.
« On est au top physiquement. On a terminé plus fort qu'eux. On va tenir le coup sans problème toute la nuit », remarquait Gilles Mastroianni, alors que Mika Rodriguez, ému, passait de groupe en groupe, une bouteille de crémant à la main. « A votre santé. A celle du club. » Que sur le pas de la porte, Sosthène Bikai, vêtu de rouge et de blanc, lui qui s'en était allé remercier Christophe Milliet lorsque le gardien avait stoppé le penalty qu'il avait provoqué, répondait à un gamin. « C'est toi qui a fait un petit pont ? Tu es le huit ? » « Non, je suis le trois. Voilà un autographe. »
«Les émotions sont différentes en sport collectif. Parce qu'on les partage»
Au 7e ciel, Dédé Herrmann, le préparateur physique, lui qui a connu tellement d'autres joies, dans d'autre sports, sur deux roues ou à pied. « Les émotions en sport collectif sont différentes. Parce qu'on les partage. » Et que recevoir est si bon. Que la fête reste collective.
Nounours Vetter, Dany Chapotot et les anciens revenus au bercail. Sam Aisani, une légende vivante, qui arbore sa casquette « Brasil », celle qui « ne perd jamais », Bruno Scherer, avec son épouse et son gamin, tous de vert maquillés, qui savoure en douceur. Le docteur Bernard Faller, qui nous parle de médecine et de sport. « Lorsque mon ami Philippe Kuentz, désormais à Monaco, m'a donné les chiffres du budget médical de son club, j'en suis tombé à la renverse. Des sommes astronomiques. Nous à côté, on bricole. »
« Ses doigts étaient tordus. Il n'a rien dit et est retourné sur place »
Ce qui n'a pas empêché le toubib de remettre en place le coude droit déplacé de Enama. « Ses doigts étaient tordus. Il n'a rien dit et est retourné sur la pelouse. » Simon, le Camerounais surpuissant, révélé à Illhaeusern, le club villageois, qui danse, qui emporte chacun dans la tempête tropicale de son énergie.
« On viens avec vous. » « Evidemment. » Les femmes de sortie, vers minuit. Toute l'équipe dirigeante. Tous les joueurs. Direction « le Plaza » jusqu'à deux heures du matin. « On a bu. On a refait le match. On a parlé de la suite. Désormais, on ne redoute plus personne. il ne reste plus que des gros », explique le défenseur central.
« Puis on est allé au Poisson. Jusqu'au delà de trois heures. Le patron nous offert une bouteille. On restait entre nous, les joueurs. On ne réalisait pas encore. On sait qu'on ne jouera plus chez nous en huitième. parce qu'il faut un stade de 12 000 places au moins. On aimerait bien jouer à Mulhouse. On sera un peu à domicile également. »
« On ne joue pas samedi contre les Auxerrois. Il vaut mieux ainsi »
Mais d'abord le championnat de CFA2. La montée en tête des objectifs.« On ne joue pas samedi contre les Auxerrois. Il vaut mieux ainsi. » Il apparaissait clairement dès la nuit que les verts ne rejoueraient pas sur la pelouse gelée du Stadium ce samedi soir face aux jeunes bourguignons.
« Ce serait dommage de gâcher la fête. » Même si on élimine Monaco, ancien club de Pierre Pleimelding, encore un ex-vert, formé par son regretté père René, on n'est pas sûr de battre un rival présumé inférieur, lorsqu'on manque de fraîcheur.
Ce sera pour un peu plus tard. Avant de reprendre une coupe de jouvence.
Monaco mauvais perdant
Le suspense a démarré à 11 h et ne s'est terminé qu'à 22 h. Avant une nuit de folie pour les uns, une rentrée morne pour les autres. Retour sur un match que les Monégasques auraient préféré ne pas jouer.
« On commence le match. » Il était 18 h, mercredi soir dans les couloirs du Stadium et Dominique Fraise enfin apportait un début de réponse à la question que tout le monde se posait. « Le Stadium était-il praticable ? » Dans le doute, l'arbitre a donné la priorité à l'attaque. Il a tenté le coup et les Colmariens ne s'en plaindront pas. Retour en arrière. C'était ce mercredi dans la capitale du Haut-Rhin...
« Il faut enlever toute la neige le plus rapidement possible et tracer le terrain, les lignes en rouge, le plus visible possible. » M. Fraise avait quitté St.-Etienne le matin en voiture, avec un de ses assistants et rejoint Colmar avant midi, afin de répondre aux sollicitations pressantes de la délégation monégasque, pas vraiment enchantée à la perpective de jouer sur une pelouse enneigée en surface, gelée en profondeur.
« Le terrain n'est pas jouable », notait Francesco Guidolin, l'entraîneur Italien. « A Strasbourg l'an dernier, la Meinau était meilleure et on avait remis, c'est dangereux, notamment pour les gardiens », ajoutait Jean-Luc Ettori, le goal des tricolores 1982 au mondial espagnol, le fameux match de Séville perdu face aux Allemands. « Vous auriez du protéger avec une bâche...La fédération française ne prend pas ses responsabilités. »
Neige et brouillard
Dans leurs petits souliers alors, les dirigeants colmariens, qui insistaient au moment de la visite de la pelouse, en partie cachée sous la brume. « Le brouillard va se lever cet après-midi. Il fera beau et tout ira bien ce soir. Imaginez vous un match remis à 19 h alors que les spectateurs sont déjà là », notait le président Hunsinger.
« Avec des crampons pour stabilisé ou des moulés, ça devrait passer lorsque la neige aura été enlevée, coupait l'arbitre. Je reviens à 17 h et on jouera. Sauf s'il fait moins dix. Je ne tiens pas à avoir cinq joueurs à l'hôpital. »
Stadium déblayé dans la journée. 120 bénévoles pelles à la main. Du rouge sur les lignes. M. Fraise revient avec ses assistants, le délégué, M. Prudhon, alors que les vert sont déjà présents, impatients. « Ça glisse », lance-t-il, en chaussure de ville, avant de repartir aux vestiaires. Le dirigeant monégasque avoue. « On ne peut pas jouer. »
« Risques de blessures »
L'arbitre ressort, en tenue de sport cette fois ; en petites foulées sur le sol durci. Tout le monde s'enferme dans le vestiaire. Les Monégasques arrivent enfin vers 17 h 45. « On ne jouera pas », lance Warmuz à l'adresse de ses copains, frigorifiés, « quel merdier ! ». Les mines se renfrognent quand M. Fraise propose le contraire. Et Sébastien Squillaci s'en va déposer une réserve officielle « sur l'état du terrain pouvant engendrer des blessures, qui ne seraient pas prises en charge par les assurances, car les conditions normales de travail ne sont pas remplies. »
Contraint et forcé, Monaco ne se comporte pas en bon prince. Guidolin ne cesse d'interpeller le 4e arbitre. Il élève la voix encore à la mi-temps. Il invective son collègue colmarien. Et les rouge et blanc de tomber comme des quilles, d'en rajouter a gogo. D'invoquer les dieux du foot. Sans autre résultat que l'élimination annoncée.
Mauvais perdants, à l'image de Gaël Givet, qui compare le match à « une partie de hockey sur glace », qui déplore les « risques encourus ». Avant de souhaiter bonne chance à Colmar, nettement mieux dans ses têtes. Comme l'admettait Raymond Kaelbel, Colmarien de naissance et premier Monégasque à avoir brandi le trophée en 1960.
« Il faisait 18 degrés quand ils ont quitté le rocher. Là , ils jouent à moins 5. Il fallait en vouloir. » Glace dans le coeur des Sudistes. Chaleur dans ceux des Haut-Rhinois, partis pour une nuit d'enfer.
Les SRC au repos forcé
Le match de CFA2 Colmar-Auxerre III qui devait avoir lieu samedi à 18h a été remis. Certes, l'information en elle-même n'a rien d'étonnante, mais la vérité oblige à dire que cette décision apporte forcément de l'eau au moulin monégasque (voir en Page Sports 1).
Pourquoi la pelouse du Stadium était-elle praticable mercredi soir et ne l'était plus hier matin alors que les conditions météo n'ont pas évolué ?