L'Alsace a écrit :Karim Haggui, la Basse-Saxe plein axe
Révélé en Europe lors de son passage au Racing Strasbourg entre 2004 et 2006, le défenseur axial tunisien Karim Haggui est devenu l’un des piliers de Hannover 96. Il y tutoie le haut de tableau en Bundesliga et participe à sa 5 e campagne européenne.
L’accolade est franche, amicale et chaleureuse. Karim Haggui aurait pourtant toutes les raisons de tirer la tronche ce vendredi matin-là. À la sortie des vestiaires de l’AWD-Arena, magnifique enceinte de 49 000 places théâtre notamment du 8 e de finale de Coupe du monde entre la France et l’Espagne en 2006 (3-1), il pleut à verse. Pas un temps à mettre un footballeur dehors. Mais un peu comme les gens du Nord (de l’Afrique !), le Tunisien a dans le cœur le soleil qu’il n’a pas ailleurs.
La veille, l’ancien défenseur du Racing Strasbourg (2004-2006) n’a passé que 8’30’’ sur la pelouse de l’AWD-Arena. Le temps de provoquer une faute dans la surface de réparation, un penalty et d’être expulsé lors du match d’Europa League entre son club, Hannover 96, et les Espagnols de Levante. « L’attaquant joue bien le coup. Il fait écran avec son corps. J’arrive lancé et emporté par mon élan, je le bouscule. Il y a penalty. Après, l’expulsion est à l’appréciation de l’arbitre. »
D’autres seraient énervés. Lui reste d’un calme olympien. Peut-être parce que ses coéquipiers, menés 1-0 et réduits à 10 dès la 9 e, l’ont emporté 2-1 et ont pris la tête du groupe L. Mais pas seulement. Plus que le soleil désespérément caché derrière d’épais nuages, Karim Haggui est radieux. Sur le terrain d’entraînement, il s’exprime davantage par injonctions que par de longs discours. « Hier ! Rechts ! Ja ! Sehr gut ! » (« Ici ! À droite ! Oui ! Très bien ! »).
Une heure et demie plus tard, il refuse dans un sourire l’abri d’un parapluie alors qu’il tombe toujours des seaux. « Je viens de passer le décrassage sous la pluie. Alors, un peu plus ou un peu moins… »
Sur sa propension à orchestrer la manœuvre par des consignes brèves, mais précises, il répond simplement : « En fait, je parle bien allemand. Mes deux ans à Strasbourg ont favorisé mon intégration en Allemagne. Bien sûr, à mes débuts au Bayer Leverkusen (Ndlr : où il fut transféré en 2006), j’ai dû faire face au handicap de la langue que je n’avais pas connu à mon arrivée au Racing. Mais en revanche, en France, j’avais débarqué dans l’inconnu sur un plan purement sportif. À l’inverse, à mon passage en Allemagne deux ans plus tard, j’étais armé sportivement et mentalement. J’avais beaucoup progressé à Strasbourg. J’ai connu en Alsace une rigueur et une discipline dont je n’avais pas vraiment conscience sur le moment, mais qui ressemblent à celles que l’on trouve en Allemagne. »
Un peu poussé vers la sortie par un Racing qui descend en Ligue 2 fin 2005-2006 (voir ci-contre), le natif de Kasserine n’hésite pas longtemps. Le Bayer Leverkusen se fait pressant. Haggui franchit le Rhin et file en Basse-Saxe. « Je ne connaissais pas le championnat allemand. Le Bayer en est l’un des grands clubs. La Bundesliga, c’est un autre monde. Hormis dans les rares petits stades, comme Wolfsburg, on ne joue jamais devant moins de 40 000 spectateurs. Les gens ne vivent que pour le foot et s’y rendent par familles entières. »
Cette ambiance que louent tous les Français qui se sont un jour frottés à la Bundesliga, l’ex-Racingman l’a retrouvée trois ans plus tard à Hanovre, après avoir été à deux doigts de rallier l’Andalousie. « À la fin de mon bail à Leverkusen, j’ai failli signer au Betis Séville, mais le discours du directeur sportif de Hanovre, Jörg Schmadtke, m’a séduit. Il m’a convaincu que le projet était très intéressant. Depuis, Hanovre 96 ne cesse de progresser, doucement, mais sûrement. Ça fait plus d’un an que nous n’avons pas perdu à domicile, même en Europa League où nous avons pourtant été menés 1-0 à 10 contre Levante. Cette saison, nous voulons faire mieux que l’an passé (7 e). Nous avons les qualités et l’effectif pour figurer dans le haut du tableau. Notre équipe est très équilibrée, avec un très bon banc. Nos cinq attaquants sont internationaux. Notre gardien est international allemand. Et ainsi de suite. Ça veut tout dire. Nous rêvons de gagner la Coupe d’Allemagne et d’aller loin en Europa League. L’an passé, nous avons été éliminés en quarts par le futur vainqueur, l’Atletico Madrid, en perdant deux fois 2-1, à la 89 e à Madrid et à la 87 e à Hanovre. Ça prouve que nous ne sommes pas loin des meilleurs. »
À 28 ans, Karim Haggui se rapproche ainsi de la plénitude à laquelle il a toujours aspiré. À Hanovre, l’international tunisien se sent comme un poisson dans l’eau. « Quand j’ai signé à Strasbourg, j’avais l’ambition de franchir les paliers un à un. Je suis très content de mes choix et ma carrière. J’ai disputé plus de 200 matches de très haut niveau en Europe. Je ne peux qu’être fier de mon parcours, même si l’objectif est d’aller toujours plus haut. Tout va bien pour moi. Je suis heureux. »
En huit années en Europe, il a appris à passer entre les gouttes et à ne pas laisser quelques cumulus doucher sa joie de vivre.