Entretien avec Jacky Duguépéroux, double vainqueur de la coupe de la Ligue avec le Racing
Jacky Duguépéroux, tout sourire avec le président Gindorf, lors du sacre de 2005.
Jacky Duguépéroux a remporté deux coupes de la Ligue sur le banc du Racing, en 1997 et en 2005. Le plus titré des entraîneurs strasbourgeois ouvre la boîte à souvenirs.
« C’est toujours une grande fierté de gagner un trophée ». Jacky Duguépéroux, 71 ans, arbore un grand sourire au moment d’évoquer les deux victoires du Racing en coupe de la Ligue.
Pourtant, le natif de Saint-Malo n’est pas des plus bavards. Ni du genre à étaler ses sentiments sur la place publique. Mais à quelques jours de la troisième finale dans la compétition pour le Racing, les souvenirs de 1997 et 2005 remontent forcément à la surface.
« Les titres, personne ne peut te les enlever »À commencer par les plus anciens, liés à cette finale face à Bordeaux. « En 1997, notre parcours a été facilité, parce qu’on a reçu à chaque tour à la Meinau et on a à chaque fois gagné sur des scores assez nets », se remémore le coach.
Trois jours avant le rendez-vous, Jacky Duguépéroux décide de délocaliser ses troupes à Clairefontaine. « Le président Weller avait bien fait les choses, se souvient le coach. On avait tiré les leçons de la finale de la Coupe de France perdue en 1995, où on était parti la veille et où on avait dormi dans un hôtel près du périphérique. Ce n’était pas l’idéal ».
Dans le cadre bucolique qui accueille habituellement l’Équipe de France, le Racing se prépare au mieux. Seul hic, l’incertitude concernant la participation ou non du gardien Alexander Vencel. « Il a été incertain jusqu’au bout. Il avait très mal au genou, on lui a fait une infiltration, mais je me souviens que Thierry Debès s’était échauffé, car on n’était pas sûr qu’il pouvait jouer », rappelle l’entraîneur.
Mais forcément, les souvenirs les plus marquants du coach strasbourgeois concernent la finale en elle-même. D’abord parce que c’est la dernière qui s’est disputée au Parc des Princes. Et aussi parce qu’elle s’est achevée par une interminable séance de tirs au but.
« Ça se termine à six à cinq avec le but de Collet, qui d’ailleurs ne voulait pas tirer, raconte le champion de France 1979. Je crois qu’on a tiré dix-huit “pénos” en tout. Et la séance avait mal commencé, avec cet échec de Baticle, notre capitaine et meilleur buteur. Nerveusement, c’était très dur. Heureusement qu’à l’époque, j’avais le cœur solide ».
Pourtant, entre le Bordeaux de Papin, Tholot et Micoud et le Racing de Zitelli, Nouma et Baticle, tout le monde s’attendait à un match ouvert. Voire à une avalanche de buts. Il n’en a rien été. Mais le Racing a eu les nerfs solides pour s’adjuger le trophée.
« En 1995, en finale de Coupe de France (perdue 1-0 face au PSG, but de Le Guen) on était trop craintif, trop sur la retenue et on avait les “boules” de l’avoir perdue. Contre Bordeaux, on a fait preuve de plus de caractère, même s’il faut avouer que ce n’était pas un grand match de foot », analyse “Dugué”, près de vingt-cinq ans plus tard.
« Un privilège de jouer une finale. D’ailleurs, moi, je n’en ai jamais joué »Mais qu’importe, la coupe part en Alsace. Et cette victoire offre une magnifique cerise sur le gâteau : la coupe d’Europe. « Cette qualification, c’était important pour le club, sportivement et financièrement. Et c’était aussi important pour les joueurs », souligne le Breton.
Mais si Jacky Duguépéroux aime autant “ses” deux coupes, il porte un peu plus d’affection à celle remportée en 2005, cette fois au Stade de France. « Disons que l’émotion et la joie étaient plus fortes. Je me souviens notamment d’avoir emmené mon gamin, alors âgé de cinq ans, sur la pelouse, puis dans les vestiaires avec moi », se remémore-t-il.
Sportivement aussi, cette finale est plus accomplie que la précédente. « Contre Caen, notre victoire était logique, on était au-dessus », expose “Dugué”, qui se rappelle avoir tout fait pour « rassurer ses joueurs ».
« On était dans le vestiaire de l’Équipe de France, il y avait 80 000 personnes dans le stade… J’ai juste dit aux joueurs que c’était un privilège de jouer une finale. D’ailleurs, moi, je n’en ai jamais joué ».
De cette deuxième épopée vécue sur le banc, Jacky Duguépéroux a gardé nombre d’images fortes. Comme ce tifo, “Vaincre”, étalé sur toute la longueur d’un virage par les supporteurs alsaciens – « Je l’ai en photo à la maison » –, comme ce coup franc décisif de Devaux, une image que Jacky Duguépéroux a « toujours en tête » quand il pense à cette finale. Et à ces souvenirs « fabuleux » s’ajoutent ceux des campagnes européennes qui ont suivi.
« Les campagnes européennes ont permis au club de grandir »« Les titres, personne ne peut te les enlever, rappelle aussi “coach Dugué”. Et en plus ça m’a permis de vivre des joutes européennes. Liverpool, Glasgow, Belgrade, Milan, Sofia… Au final j’ai quand même coaché une trentaine de matches en Coupe d’Europe. Et ces campagnes ont permis au club de grandir ».
Le seul bémol, finalement, est que le Racing n’a jamais su capitaliser sur ces succès en coupe de la Ligue, au grand regret de Jacky Duguépéroux.
« C’est le revers de la médaille, souligne-il. En 2005, je perds Pagis et Niang, je n’avais plus d’attaquants. Comment faire un bon parcours quand tes meilleurs joueurs partent au mercato ? »
Et à chaque fois, à la joie ont succédé des turbulences. « Après chaque victoire en coupe, il y a eu un changement de présidence, rappelle celui qui a fait remonter le Racing en Ligue 2 en 2016. En 1997, IMG est arrivé avec des grandes promesses jamais tenues. Et en 2005 aussi il y a eu des problèmes de gouvernance après la victoire. C’est dommage ».
Et à chaque fois aussi, la saison suivante n’a pas été des plus simples, sportivement parlant. À ce sujet-là, Jacky Duguépéroux estime heureusement que « le club a retenu la leçon ». « Et pour une fois, avec Marc Keller, il y a de la stabilité », souligne-t-il encore.
Samedi, le plus titré des entraîneurs du Racing sera en tout cas présent en tribunes à Lille avec ses enfants, en tant qu’invité du club. Et il se veut optimiste concernant l’issue de cette finale, même si face à Guingamp, « c’est du 50-50 ».
« Il faut respecter Guingamp, ils ont quand même battu le PSG et c’est une belle équipe, mais l’avantage du Racing est sa situation en Ligue 1, analyse “Dugué”. La priorité de Guingamp, c’est le maintien. Je pense qu’ils échangeraient bien un succès en coupe contre un maintien ».
Mais quoi qu’il arrive, l’histoire est déjà belle, comme le répète à l’envi l’entraîneur alsacien. « Qui aurait pensé il y a trois ans qu’on serait maintenu en Ligue 1 à dix journées de la fin et qu’on puisse préparer une finale de coupe de la Ligue en toute sérénité ? », questionne Jacky Duguépéroux.
Pas grand monde, assurément. Alors, autant en profiter et savourer le moment. En espérant qu’à la fin « le club ajoute une ligne à son palmarès et continue à grandir », comme le souligne le coach le plus titré du club. C’est, en effet, tout le mal qu’on lui souhaite…