Que sont-ils devenus ?Le Figaro a écrit :Les champions du monde fêtent leurs 10 ans
La bande de Jacquet célèbre l'anniversaire de son triomphe du Mondial 1998 lors d'un match au Stade de France contre une sélection internationale. Une commémoration qui ne fait pas l'unanimité.
Ce soir, on va revoir Laurent Blanc embrasser le crâne de Barthez avant le coup d'envoi, Leboeuf faire des chandelles en guise de dégagement ou Djorkaeff se faufiler dans un trou de souris pour tenter de marquer. Eh oui, la victoire de l'équipe de France en Coupe du monde, c'était il y a tout juste dix ans. Un 12 juillet. Depuis, Zidane a perdu les derniers cheveux qui lui restaient et Thuram s'est mis à porter des lunettes. Mais l'énergie est toujours intacte. Et les 22 Bleus de l'époque, sauf Emmanuel Petit qui boude, vont fêter ça à leur manière : en disputant un match au Stade de France (21 heures, en direct sur Canal +) contre une sélection mondiale composée notamment de Buffon, Pauleta ou Eto'o.
Après la célébration des quarante ans de mai 68, voilà donc la commémoration d'un titre de champion du monde de football. Une avalanche d'anniversaires qui en laisse plus d'un sceptique. Après tout, une grande victoire en football mérite-t-elle tant d'honneur ? «Le sport de haut niveau passionne parce qu'il génère des émotions, estime ainsi le sociologue Robert Rochefort, directeur du Credoc. Mais cela se conjugue mal au passé. On ne revit pas une émotion avec la même intensité. Je n'ai pas vu que l'on s'arrache les rééditions vintage de maillots des Bleus de l'époque, par exemple. » Plus grave, selon le consultant en marketing, Georges Chetochine, ce type de manifestation montre bien le désarroi et le manque de perspective de la société française : «Comme notre pays n'a plus d'espoir pour le futur, il se réfugie dans le passé et dans des moments où la vie était belle, explique-t-il. En Espagne qui vient d'être sacrée championne d'Europe, il n'y aura pas de célébration dans dix ans, j'en suis sûr. Peut-être aussi parce que les Espagnols ont d'autres occasions de se retrouver tous ensemble comme la feria de Bilbao ou les fêtes de Pâques à Séville alors que nous n'avons plus des événements de ce genre.»
Mais cette fête au Stade de France a aussi ses supporteurs. Tel Pascal Boniface, le directeur de l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) et grand amateur de football : «Cette victoire en Coupe du monde a quand même fait descendre un million de personnes dans la rue. Commémorer un événement où les Français ont été ensemble au-delà de leurs différences ne peut faire que du bien.» Et l'échec de l'Euro 2008 encore tout frais dans les mémoires, comme la finale de la Coupe du monde 2006 perdue aux tirs au but, montre bien qu'il ne faut pas banaliser un tel succès. Même enthousiasme du président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, qui trouve bienvenue cette célébration «d'un événement dynamique et entraînant».
«Aller au bout de ses rêves»
D'autant plus que les fonds récoltés à l'occasion de ce match seront reversés à la fondation du football que préside ce passionné de sport. En tout cas, cet anniversaire fonctionne forcément comme une machine à souvenirs. Dites «juillet 1998» et tout le monde se souvient du contexte particulier de cette épopée.
«Ce succès était extraordinaire parce qu'il n'était pas écrit d'avance, raconte Robert Rochefort. Il a eu d'autant plus de retentissement que la France était déprimée : elle prenait conscience qu'elle n'était plus une grande puissance. Cette victoire, une première en Coupe du monde, lui a montré qu'elle pouvait encore gagner.» Pour certains, ce titre inattendu a pu servir de déclic : «En gagnant alors que personne ne les attendait aussi haut, ces joueurs ont montré aux enfants qu'on pouvait aller au bout de ses rêves, que son destin n'était pas tracé d'avance», estime l'acteur Bruno Putzulu, connu notamment pour sa prestation dans le film Père et Fils et grand amateur de football.
Les effets de ce titre mondial aujourd'hui sont plus contestables. Sur le moment, tout le monde a lié le redémarrage économique à la victoire finale (3-0) face au Brésil. «Cela a effectivement boosté l'économie française en apportant un quart à un demi-point de PIB (produit intérieur brut)», affirme Robert Rochefort. En revanche, la chimère de la France black-blanc-beur incarnée par cette équipe n'a duré que le temps d'un été. «L'erreur, c'était de penser que la victoire avec une équipe allait résoudre les problèmes de chômage et de banlieue d'un coup de baguette magique, précise Pascal Boniface. Cela peut être un atout, à condition qu'il y ait une vraie politique de la ville et de l'intégration.»
Evidemment, ce soir, pas question d'aborder ces sujets. Sur le terrain, ce sera pour ces joueurs l'occasion de rejouer ensemble une dernière fois au Stade de France. Dans les tribunes, les spectateurs se remémoreront le bonheur que les Bleus leur ont donné il y a dix ans. Une émotion si forte qu'il en reste encore quelque chose une décennie plus tard.
Et vous, vous etiez où ?